mercredi 28 mai 2008
faire naître de la ruine
Suite à l’impact des deux avions, l’effondrement des tours jumelles à New York a d’abord conduit à l’observation d’une ruine « ardente » éphémère, puis à un vide — symbole de la perte de/du tout — en attente de l’incarnation d’une mémoire collective à matérialiser, à rendre visible. De nombreux projets architecturaux ont été proposés. Chacun a développé un argumentaire singulier. Mais les formes architecturales retenues et le parti d’aménagement adopté répondaient également à une autre attente : redonner à la ville ce « signifiant/signifié » — évoquant sa place aux Etats-Unis mais aussi dans le monde. La proposition de Daniel Libeskind a fait l’unanimité et répond à ce double souhait en intégrant l’aménagement élaboré par Michael Arad et Peter Walker pour le mémorial. Mais l’attention mérite d’être portée sur l’un des projets non retenus ; celui conçu autour de Richard Meier, Memorial Square, interroge. La surprise vient de la forme architecturale imaginée qui procède de ce que l’on appellera ici la transfiguration de la ruine. L'on peut faire l’hypothèse que cette transfiguration est un processus avec ses rouages, producteurs de sens : en une volonté de célébration, d’affirmation de la mémoire des lieux, le motif de la ruine motive le geste architectural. Ce motif trouve même son origine dès la conception de l’édifice. Au-delà, une véritable rhétorique de la ruine peut-elle être esquissée, emportant avec elle la destinée de la ville et du monde ? Désireux d’entretenir le rapprochement entre littérature et architecture, le roman de Jonathan Safran Extrêmement fort et incroyablement près, nourri des attentats de 2001, apporte un éclairage complémentaire. Il autorise le croisement des lectures notamment lorsqu’il s’agit d’expliquer que la ruine — en tant qu’anéantissement d’un objet — empêche la ville d’être vue d’ici ou d’ailleurs, ou a contrario que c’est par la ruine vue depuis la ville, le pays ou toute partie du monde que l’espoir renaîtra.
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